Pour ce qu’il a apporté en transposant la psychanalyse à la méditation, voici un résumé d'un entretien transcrit par l’UBE (Union Bouddhiste de France). Né le 9 août 1929 à Nice, Jean-Pierre Schnetzler fut l'un des pionniers de l'implantation du bouddhisme en France. Il a découvert en classe de terminale la lecture de l'ouvrage d'Oldenberg « Le Bouddha, sa vie, sa doctrine, sa communauté », il décide de s'engager dans des études de médecine et, plus particulièrement, en psychiatrie, domaine qui lui semble le plus en accord avec le fond de la doctrine bouddhiste et de sa prise en compte de la souffrance psychique. Médecin d'hôpital en 1955 à Paris puis à Grenoble, en 1960, il devient analyste didacticien de l'école jungienne à la « Société Française de Psychologie Analytique» (SFPA). En 1967, il accueille l'enseignant de l'école Zen Sôtô japonaise, Maître Deshimaru, qui vient d'arriver en France. Il découvre le Mahâyâna et le Zen et prend alors les voeux de bodhisattva. Autour de lui se constitue un noyau de pratiquants qui donne lieu à la création, en 1972, d'un « Centre d'Etudes Bouddhiques» (CEB), ouvert à toutes les écoles. En1971 avec le maître Kalou Rinpoché, il découvre enfin l'école Kagyu du bouddhisme tibétain dans laquelle il s'engagera jusqu'à la fin de sa vie. Il créera le centre Karma Migyur Ling de Montchardon, le plus ancien centre bouddhiste tibétain de France. C'est aussi lui qui, en 1979, fonde le futur centre de Karma Lin, dans l'ancienne Chartreuse de Saint-Hugon, en Savoie. Outre un engagement constant à Montchardon, de pratique et d'enseignement, Jean-Pierre Schnetzler est aussi l’auteur de nombreux articles et ouvrages. Il souhaitait notamment, en écrivant, informer le public francophone sur le bouddhisme en intégrant les données scientifiques occidentales, y compris dans un domaine aussi controversé que celui de la transmigration. Il a aussi largement participé au dialogue interreligieux, notamment avec le père De Give. Retraité en 1989, Jean-Pierre Schnetzler vivait à Karma Migyur Ling. Il y a enseigné et dirigé des retraites de méditation jusqu'en 2006, date à laquelle sa santé l'a contraint à cesser ces activités.
Revoir l'article : JP Schneltzer psychiatre " bouddhisme expliqué aux occidentaux"(video)
Dans la comparaison entre la méditation et la psychanalyse ce sont des conceptions de l’homme et du monde différentes, entre une voie traditionnelle et une méthode d’investigation scientifique bien qu’il y ait une analogie profonde entre ces deux démarches, le Bouddha décrivant le bouddhisme comme une méthode de guérison de la souffrance. Pour la psychanalyse, l’évolution de l’homme culmine dans un état de maturité psychologique chez un être humain capable de jouir, de supporter une dose raisonnable de contrariétés, de travailler, d’élever sa progéniture, après quoi il décline et il disparaît définitivement. Sous les influences conjuguées de Carl Gustav Jung et des doctrines orientales, la psychologie transpersonnelle a étudié la maturation du moi de l’adulte en y intégrant des expériences et des modes de fonctionnement psychologique qui sont ceux des mystiques, de toutes les religions d’ailleurs, mais aussi de certains non-religieux. Apres le niveau de pensée que Piaget appelle pré-opératoire, le stade personnel est atteint, lorsque sur le plan intellectuel l’enfant est capable de faire des opérations concrètes où il comprend les rôles et les règles. Il acquiert ensuite une pensée formelle où il est capable de penser le monde et lui-même, suivant les règles de la logique. Il appréhende des relations conceptuelles et, finalement, il est capable d’opérations synthétiques et intégrantes, créatives, lorsque l’adulte est arrivé à ce stade, il aurait terminé son évolution.
Selon les psychologues du transpersonnel, l’être humain est encore capable, si son évolution continue, d’atteindre un stade transpersonnel du fonctionnement psychique, qui est comme le début des processus de la méditation, de la concentration, au seuil du premier dhyâna. Il est aussi capable d’atteindre un stade, dit « subtil » selon Ken Wilber qui correspond à ce que le bouddhisme appelle la forme pure : le rûpaloka, et qui correspond aussi aux archétypes et aux idées platoniciennes, aux visualisations des yidam dans le bouddhisme tantrique et aux stades des dhyâna de la forme. Enfin le neuvième stade, qui est le stade causal pour Ken Wilber, est l’expérience du vide, du sans forme, ou de l’universel, ce qui constitue la fin des phénomènes psychiques. Au delà, c’est un état ultime, que l’hindouisme appelle le quatrième état : turîya, ou ce qui constitue le svabhavikakâya du bouddhisme. Ces neuf ou dix stades de Ken Wilber sont représentatifs de la position contemporaine de la psychologie transpersonnelle qui montre qu’au-delà des stades du moi, connus de la psychologie classique, on peut décrire, suivant des critères formels basés sur des constatations d’expériences, des types de fonctionnement mental. Nous sommes donc là au-delà du moi ordinaire. Est-ce de cela dont il s’agit quand la mystique chrétienne parle de la mort du moi ? Est-ce de cela dont il s’agit quand le bouddhisme parle de l’illusion du moi, ou de l’inexistence du moi, ce qui est une façon de traduire le pâli anatta ou le sanscrit anâtman? (à suivre)